La région de Diffa est située à l’extrême Est du Niger et couvre une superficie de 156.906km2. Elle est limitée au sud par la frontière nigériane, et à l’Est par la frontière tchadienne. Selon le dernier recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) réalisé par l’INS en 2012, sa population est estimée à quelques 593.821 habitants. Considérant le taux de croissance démographique de la région à 4,7% constaté sur les trois dernières années, on peut estimer actuellement cette population à quelques 713.579 habitants, composée essentiellement de sédentaires Kanouri et Haoussa, et de nomades Toubous, Touareg, Arabes et Peuhls. En prenant en compte les retournés et les réfugiés de la crise de Boko Haram, la région abriterait quelques 825.466 personnes en 2016.
L’agriculture, l’élevage, la pêche constituent les principales activités des populations de Diffa se pratiquant dans le Bassin du lac Tchad, la rivière Komadougou Yobé, et les cuvettes oasiennes de l’ouest de la région. Le reste de la région, qui constitue la plus grande partie du territoire régional, est essentiellement à vocation pastorale avec un cheptel très fourni qui constitue une des principales richesses de la zone. Il faut aussi signaler l’exploitation récente du pétrole qui assure des revenus supplémentaires aux populations et collectivités de la région. La plupart de ces activités économiques qui, autrefois faisaient la prospérité de la région, sont aujourd’hui anéanties par les effets de l’insécurité résultant de la crise née des attaques de la secte de Boko Haram (BH).
Il faut également noter que l’insécurité résiduelle que vivent ces communautés est accentuée par la circulation et le trafic et la possession d’armes illicites par les civils. Ceci est inquiétant du fait de la faible présence des structures de sécurité intérieure (Police, Garde Nationale, Gendarmerie).
De plus, les dernières missions de la Commission Nationale de Collecte et Contrôle des Armes Illicites (CNCCAI) dans la région de Diffa ont fait ressortir que les communautés ne sont pas informées et conscientisées sur les procédures de détention d’armes légales par les civils et les catégories et types d’armes qu’elles sont censés détenir. Un renforcement des capacités techniques et opérationnelles des acteurs au niveau local (les autorités déconcentrées, les autorités décentralisées, les leaders communautaires/d’opinions et les jeunes) en termes de formation sur la collecte d’armes Illicites, d’appui au fonctionnement opérationnel de la CNCCAI et en termes d’outils de sensibilisation s’avère également nécessaire.
Cependant l’exacerbation de la crise qui a conduit les autorités nigériennes à prendre des mesures restrictives sur les activités et les mouvements des personnes et des biens, telles que l’interdiction de la commercialisation du poivron et du poisson considérée comme principale source de financement de Boko Haram et l’interdiction de la circulation des motos a mis au chômage un grand nombre de jeunes et ralentit encore plus l’activité économique et l’accès aux marchés. La fermeture de nombreux marchés, notamment ceux de Gagamari, Gueskerou, Kindja Indi, Toumour a engendré la paralysie de l’économie des services sociaux locale provoquant une montée en flèche du chômage des jeunes (85%), le développement de marchés sauvages incontrôlés et l’insécurité autour des marchés communautaires
L’arrivée massive et continue des réfugiés du Nigeria, des déplacés internes, des ex combattants accueillis par les populations endogènes a entrainé une pression sur les maigres ressources existantes. Cette situation d’insécurité née de la présence de la secte Boko Haram a exacerbé la vulnérabilité des populations et a fait de Diffa depuis février 2015 la région du pays recevant le plus d’interventions humanitaires, notamment à l’endroit des réfugiés, des déplacés, des ex combattants repentis sans un appui équivalent envers la population hôte profondément impactée par l’arrivée de ces populations vulnérables. Les populations endogènes ont le sentiment d’être abandonnées et de ne pas être appuyées contrairement aux autres (refugiés, les déplacés, les ex combattants) qui reçoivent de l’aide humanitaire. Ce sentiment d’injustice persistant et cette frustration grandissante semblent également provenir de la perception que ce sont toujours les mêmes jeunes qui profitent des projets de développement et de l’appui extérieur. Cette situation creuse une fracture sociale entre les diverses composantes de la société. La résilience des populations hôtes, déjà menacées et traumatisées par la persistance de l’insécurité communautaire, la paralysie des services sociaux administratifs et les représailles dus à l’enrôlement forcé de leurs enfants, s’amenuise de manière critique. Dans un tel contexte, les tensions émergeantes entre la population hôte et les populations déplacées doivent être réduites et le tissu social, basé sur une coexistence pacifique entre ces groupes, doit être rétabli.
Aussi, bien que la présence militaire ait été jugée importante, lors des consultations communautaires dans la cadre de l’élaboration de la stratégie régionale de la stabilisation du Bassin du Lac Tchad, nombreuses communautés ont mis en évidence les lacunes des forces de sécurité à savoir le manque de professionnalisme de certaines forces de défense et de sécurité et leur inconduite présumée. Ceci crée une méfiance des communautés vis à vis des forces de sécurité, affectant ainsi le dispositif de sécurité communautaire. La multitude des mécanismes sécuritaires existantes dans les 5 communes sont confrontés à d’énormes difficultés logistiques avec une faible capacité opérationnelle. Il faut noter également une complicité volontaire ou involontaire des populations par peur de représailles ou pour la protection de leurs enfants souvent membres de Boko Haram.
Devant cette situation, le Gouvernement du Niger a entrepris des négociations et un plaidoyer pour faire revenir à la raison les enfants de la nation égarés en construisant un camp à Goudoumaria ou 255 ex-combattants repentis dont 48 femmes et 12 enfants avaient été cantonnés. Un millier de personnes présumées impliquées dans les différentes attaques revendiquées par Boko Haram sur le territoire nigérien ont été arrêtées dans la région de Diffa avant d’être transférées et détenues dans plusieurs maisons d’arrêts à Niamey et aux alentours. 1237 personnes dont 599 étrangers ont été détenus dans les maisons d’arrêt de Koutoukalé, Kollo et Niamey, dont certaines depuis les premières attaques de février 2015. Depuis mars 2017, les procès de ces personnes détenues ont commencé devant le Pôle Judiciaire antiterroriste et la Chambre de jugement de la Cour d’Appel de Niamey avec la libération de 300 détenus déclarés non coupables par la justice.
L’expérience montre que la réinsertion des ex-combattants, pour être réussie, doit être accompagnée de mesures qui permettent de créer un contexte socioéconomique favorable à la réconciliation et au pardon. Le déséquilibre entre l’appui fourni aux populations hôtes et aux groupes vulnérables et les ressentiments qu’il provoque ne concourent pas à faciliter l’insertion sociale des différents groupes, condition pourtant importante à la stabilisation et à la cohésion sociale dans la zone de Diffa.
A Diffa, la situation de la femme demeure problématique. Elles n’ont pas accès à certaines ressources stratégiques comme la terre, l’information, l’école et n’accèdent que rarement à des activités économiques de haut niveau. Elles sont en général mariées très tôt avec un taux de fécondité élevé. Elles sont très souvent submergées par les tâches domestiques et les sollicitations sociales. Leur rôle est paradoxal : souvent marginalisées et exclues de la prise de décision et de l’accès à la justice, elles sont pourtant perçues comme jouant un rôle essentiel en matière d’alerte précoce, fournissant un soutien psycho-social aux victimes et leur engagement dans la consolidation de la paix en général. Les femmes ont été plus touchées que les hommes par le conflit BH, un grand nombre d’elles ont perdu leurs mari et enfants et parfois victimes de violences sexuelles, physiques et psychologiques. Avec la crise de BH, elles jouent un rôle primordial dans l’entretien de la cellule familiale en vendant leurs biens (bijoux, bétail etc.) pour pouvoir subvenir aux besoins primaires de la famille, les hommes ne pratiquant aucune activité économique suite aux mesures restrictives liées à l’état d’urgence.
Compte tenu de la position de la femme dans la région de Diffa, cette dernière peut jouer un rôle important dans la consolidation de la paix et l’éducation des enfants en leur inculquant les valeurs de paix, le caractère sacré de la vie et le respect des principes et règles de vie en société. A cet effet, les femmes doivent être impliquées dans le processus de consolidation de la paix (mécanismes d’alerte précoce et comité de paix/veille) et désarmement volontaire car les combattants sont souvent leurs enfants, leurs maris, leurs copains.
Ce financement PBF est donc venu stratégiquement combler le gap lié aux risques de déstabilisation sociale nés de la frustration des populations hôtes dont les besoins n’ont pas été pris en compte par les projets en cours ciblant principalement les réfugiés, les déplacés internes et ex-combattants. A cela s’ajoute les risques sécuritaires liés à la possession et au trafic d’armes illicites.
Ce projet vise à atteindre les résultats suivants :
Résultat 1 – La coexistence pacifique entre populations hôtes, les ex-combattants et les déplacées est renforcée dans les communes de Bosso, Toumour, Kablewa, Gueskerou, Chetimari ;
- Les mécanismes de dialogue inter communautaires sont renforcés pour une meilleure coexistence pacifique ;
- Des micro-projets communautaires sont appuyés pour encourager la coexistence pacifique dans les zones touchées par l’état d’urgence.
Résultat 2 – La sécurité communautaire dans les communes de Bosso, Toumour, Kablewa, Gueskerou, Chetimari est améliorée.
- Les mécanismes de sécurité communautaire sont renforcés ;
- Réaliser des campagnes de communication et de sensibilisation sur les armes illicites dans les communes de Bosso, Toumour, Kablewa, Gueskérou, Chétimari.
Objectifs de l’évaluation finale
Une évaluation finale est prévue pour mesurer les résultats atteints ainsi que la pertinence, l’efficacité, l’efficience, la durabilité et l’impact de l’intervention, les bonnes pratiques ainsi que les leçons à tirer de la mise en œuvre de ce projet PBF au Niger.
Il est attendu que l’évaluation formule des recommandations et donne des orientations qui permettront d’améliorer les prochaines interventions du PBF dans le cadre de l’éligibilité du Niger au Fonds de Consolidation de la Paix.
L’évaluation devra aussi déterminer l’impact du COVID-19 en 2020 sur les interventions du Projet.
Le choix d’une évaluation externe a été privilégié afin de contribuer à assurer l’indépendance, l’impartialité et la crédibilité du processus.
Les objectifs spécifiques de l’évaluation sont de :
- Apprécier la pertinence du projet par rapport aux besoins et priorités de la Région en matière de sécurité, de cohésion sociale, de consolidation de la paix et de développement
- Examiner la stratégie de mise en œuvre adoptée, notamment le fonctionnement des mécanismes de gestion du projet ; et l’implication des parties prenantes dont les bénéficiaires
- Mesurer le degré de mise en œuvre du projet, son efficacité, son efficience, ainsi que la qualité des résultats obtenus ;
- Déterminer les effets du projet sur les populations bénéficiaires dans les communes cibles ;
- Documenter les succès (et pourquoi) et les résultats importants qui n’ont pas été atteints (et pourquoi) pendant la mise en œuvre du projet ;
- Tirer les leçons de la mise en œuvre de ce projet ;
- Identifier les facteurs favorables ou défavorables à la conception, à la mise en œuvre et au suivi et évaluation du projet et faire des recommandations pour la mise en œuvre de projets futurs dans la Région ;
- Analyser les aspects catalytiques des interventions, les atouts et les contraintes rencontrées lors de la mise en œuvre du projet, dégager les bonnes pratiques ainsi que les leçons à tirer de l’expérience et faire des recommandations pour la mise en œuvre de projets futurs en lien avec la consolidation de la paix dans la Région y compris ceux pouvant être supportés par un financement du PBF ;
- Evaluer l’impact du COVID-19 sur la mise en œuvre du projet en 2020.
Portée de l’évaluation
Compte tenu de ses objectifs en tant que processus d’apprentissage mais aussi de décision, l’évaluation couvrira notamment la conception du projet, le choix des zones d’intervention (Bosso, Toumour, Kablewa, Gueskerou, Chetimari), les mécanismes de coordination (à différents niveaux), les stratégies de mise en œuvre et de suivi, les mécanismes d’implication du Gouvernement et des communautés, la pérennisation des réalisations et le rapportage.
Critères de l’évaluation
L’évaluation se basera sur les critères standards d’évaluation définis par l’OCDE/CAD. L’évaluation sera conduite dans l’optique de l’approche droits humains et de l’égalité des sexes. Les principales questions d’évaluation non exhaustives en lien avec les quatre critères retenus auxquelles l’évaluation devra apporter des réponses sont les suivantes :
Critères |
Questions |
a. Pertinence |
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b. Efficacité
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c. Efficience |
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d. Durabilité
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- Approche méthodologique de l’évaluation
Pour cet exercice, le recours sera fait aux méthodes qualitatives mais aussi à l’observation directe, à travers notamment des visites de sites d’interventions du projet (si les conditions sécuritaires le permettent). Toutes ces informations combinées permettront d’apporter des réponses aux questions d’évaluation ci-dessus décrites. La méthodologie qui sera détaillée par le consultant devra être en ligne avec l’approche basée sur les droits humains et l’égalité de sexes. Afin d’enrichir son analyse et de disposer d’informations fiables, le consultant devra aussi trianguler les données disponibles issues de multiples sources.
L’approche inclura les groupes de discussion, l’observation directe ainsi que des entretiens semi-structurées avec les parties-prenantes et auprès d’informateurs clés afin de compléter les données quantitatives. L’équipe d’évaluation trouvera les alternatives les plus appropriées pour obtenir plus d’informations et même de renseigner véritablement la prise de décision. Ainsi divers groupes seront identifiés au sein des agences, des ministères, des structures publiques centrales et décentralisés/déconcentrées pertinentes, des institutions partenaires d’exécution, des autorités locales et aussi des représentants de bénéficiaires.
Le consultant devra subtilement utiliser les différentes méthodes de collecte : revue documentaire, entretiens, discussions de groupe, observation directe, enquêtes etc. qui permettent d’assurer une complémentarité dans le traitement et l’analyse des informations, et d’éviter ainsi les assertions.
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